En mai 2020, Syn Studio a organisé un concours international d’art conceptuel et d’illustration sur le site The Rookies, intitulé « Forbidden Lands, Fallen Empires and Ancient Guardians »  ou encore «Terres interdites, empires déchus et anciens gardiens». Le concours était sponsorisé par ArtStation, Wacom, The Rookies et Syn Studio. Les prix comprenaient un billet VIP pour l’événement Syn Studio Le Rassemblement des maîtres, un abonnement Wacom Intuos Pro et un an d’adhésion à ArtStation Plus, entre autres.

Nous avons invité les participants à créer une illustration fantastique mais crédible, en s’inspirant d’un mythe, d’une histoire ou d’une légende d’étranges terres magiques, d’empires effondrés ou d’anciens gardiens qui protégeaient silencieusement des secrets ancestrales. Le concours était ouvert aux artistes de tout genre et niveaux, et a attiré des candidatures du monde entier.

Nous sommes fiers d’annoncer les gagnants!

1ère place: Rushil Kejriwal
2e place: Etienne Vittani

Vivement recommandé: Ismael Paddack Trudel et Vladislav Andonov.

Choix du public: Marina Serra

Lors de nos entretiens approfondis avec les gagnants, nous avons découvert leurs parcours artistiques, leur processus de travail, leur inspirations et leurs œuvres.

 

Parlez-nous de vous. D’où venez-vous?

Rushil: Je suis un artiste concepteur indépendant basé en Inde, principalement autodidacte. J’ai un profond intérêt pour la science et les mystères de l’univers. De plus, les théories du complot m’inspirent vraiment et me font voir les choses d’une manière non conventionnelle.

Etienne: Je suis un Concept Artist Junior vivant dans le centre de la France. J’ai étudié la chimie, ce qui m’a amené à travailler pendant 7 ans en tant qu’assistant chef de produit, avant de me décider à revenir à mes deux premières amours: le dessin et la création d’univers.

J’ai ensuite rejoint l’Institut Artline en janvier 2018 pour un Bachelor en Concept Art / Illustration afin de me rapprocher de mon objectif. Après 2 ans de formation j’ai obtenu mon diplôme en février, et depuis je suis à la recherche d’un emploi en tant qu’artiste de concept d’environnement dans les industries du cinéma ou du jeu vidéo.

Quelle est l’histoire derrière votre pièce? (si vous pouvez nous montrer des croquis ou votre processus étape par étape, ce sera merveilleux!)

Rushil: Tout a commencé avec une idée basée sur le lac Roopkund en Inde. Chaque année, à mesure que la glace fond, des centaines de squelettes humains flottent. Je voulais explorer cette histoire et voir comment je pouvais la pousser. Ensuite, j’ai commencé à rassembler des références et sur la base de ces références, j’ai fait quelques compositions en niveaux de gris. Plus tard, je suis passé à la 3D et j’ai bloqué la composition et l’éclairage. L’idée a continué à évoluer au fur et à mesure que je travaillais davantage sur la pièce, pour améliorer l’ambiance et la narration. La dernière partie était la peinture, ce qui était le plus crucial dans cette pièce. De nombreux éléments ont été ajoutés dans cette phase, ce qui a beaucoup amélioré la pièce en terme d’histoire.

Histoire: Le lac Squelette

La vérité interdite était écrite en hiéroglyphes indiens derrière la pierre du trône ancestral. Lorsqu’elle fut découverte par un linguiste légendaire, à la demande du roi, elle provoqua la mort subite du roi géant et de tous ses courtisans, transformant leur chair en poussière, ne laissant derrière eux que leurs squelettes.

Etienne: L’idée d’origine était de créer un lieu d’exploration pouvant apparaître dans un film ou un jeu. Un environnement sombre, comme une grotte, où il n’y aurait qu’une seule source de lumière qui passerait à travers le plafond.

Après de nombreuses recherches en design, je me suis arrêté sur l’idée d’une grotte aux allures de Panthéon, comme à Rome, avec son oculus comme seule source de lumière.

J’ai commencé par réaliser plusieurs designs de cet intérieur pour retrouver la fonction du lieu et ses aménagements. J’ai décidé d’opter pour une salle du trône antique, avec de grandes sculptures tout autour, comme des gardiens. Au centre, il n’y aurait rien parce que cela aurait été le lieu du jugement et des discours où les gens auraient siégé pour s’adresser à ce conseil.

Puis j’ai fait des recherches sur la végétation, pour trouver le bon compromis entre le retour à la nature et la lisibilité du lieu. Je voulais qu’il donne une impression d’antiquité où la nature aurait retrouvé ses droits.

Pour terminer la phase de recherche, j’ai effectué un blocage 3D rapide pour rechercher la meilleure ambiance lumineuse répondant à mes critères ci-dessus. J’ai voulu garder ce côté obscur sans perdre la lisibilité du lieu et de tous ses éléments.

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette idée particulière? Y a-t-il des concepts qui n’ont pas été retenus?

Rushil: Je voulais faire quelque chose basé sur une histoire vraie, et il n’y a pas de meilleur endroit pour chercher de telles histoires que mon propre pays. J’avais une autre histoire en tête qui concerne le fort de Bhangarh, l’un des endroits les plus hantés de l’Inde. Il y a une grande légende derrière cela. Ensuite, j’ai choisi Le lac squelette car il y avait plus à explorer.

Etienne: J’ai eu l’idée de cette ambiance après avoir vu un concept de Darek Zabrocki, « Vault », dont le travail me plaît beaucoup. J’ai adoré l’ambiance qu’il avait réussi à créer dans cette pièce.

 

Quelles sont vos ressources préférées à utiliser lors de la création d’art? (programmes, supports, sites Web d’inspiration, etc.)

Rushil: Les programmes de mon choix sont Photoshop, Blender et 3D-Coat. J’ai commencé avec les médias traditionnels, quand je n’étais pas au courant des médias numériques, jusqu’à la fin de mon adolescence. À l’époque, le graphite était mon médium préféré en raison de sa simplicité. Pour m’inspirer, je commence principalement par des choses et des histoires que j’aime. J’essaye d’insuffler à mes pièces ce qui m’excite personnellement, à savoir la science-fiction et les mystères. Pinterest est bon pour trouver l’inspiration. Shotdeck est une ressource incroyable pour trouver de bonnes références cinématographiques.

Etienne: J’aime beaucoup travailler avec une bonne base 3D, sur laquelle j’ajoute ou modifie des éléments dans Photoshop. Pour ce concept art, j’ai utilisé une combinaison de Cinema 4D et d’Octane même si depuis je suis passé à Blender, que j’aime pour sa richesse d’outils.

J’aime être polyvalent dans les logiciels que j’utilise, donc je ne me limite pas à quelques-uns. Pour cette image, j’ai utilisé Speedtree pour créer toute la végétation, par exemple. J’utilise aussi parfois des logiciels comme World Machine pour créer rapidement de grands environnements.

Pour l’inspiration, je dirai que la partie principale vient d’Artstation, où on peut trouver tant de styles et de talents différents, que c’est une source d’inspiration sans fin. Je regarde également de nombreux tutoriels qui me font découvrir de nouvelles techniques et de nouvelles façons de voir les choses.

 

Dans quelle mesure planifiez-vous en profondeur l’histoire derrière vos pièces d’illustration? Pouvez-vous donner un aperçu du processus de création de vos créatures, personnages et environnements?

Rushil: J’essaie toujours de commencer par une idée de base et avec le temps, je l’améliore et l’élargis dans le plus de détails possible. La règle de base pour moi est de penser à l’histoire et au but de tout ce que je conçois, ce qui m’aide à savoir quels détails mettre et où. De cette façon, la plupart des gros travaux sont déjà effectués. Ensuite, c’est de le raffiner. Cela vaut pour tout ce que je conçois.

Etienne: Tout dépend. Parfois, je veux réfléchir autant que possible à tous les éléments qui feront partie de l’image – l’histoire qui peut être derrière. D’autres fois, j’aurai une idée précise du visuel que je veux, mais pas forcément une histoire très détaillée.

Je n’ai pas vraiment de processus créatif défini. J’aime essayer différentes manières qui peuvent enrichir mon processus. Cependant, j’ai quelques étapes qui structurent ces tentatives:

– Rechercher des références pour bien connaître le sujet, ainsi que des références d’ambiance. C’est via Google Image, Photobash, Shotdeck, …

– Phase de conception sur Photoshop: soit en esquissant directement, soit par photobashing en niveaux de gris.

– Blocage 3D de la scène sur Blender pour placer la caméra et essayer différentes compositions si elle n’a pas été précisément fixée au préalable.

– Ajout de détails petit à petit et de lumières qui ajouteront à l’ambiance.

– Une fois la scène 3D poussée au maximum de ce dont j’ai besoin, je rend une dizaine de passes différentes (Diffuse, Shadows, AO, Glossy, Normal, Material ID, Emiter, Light pass, Z Depth, …).

– Je termine l’image sur Photoshop en ajoutant des textures supplémentaires, en cassant les bordures droites qui sont trop 3D et en modifiant la colorimétrie de l’imag

Quand avez-vous commencé à dessiner et qu’est-ce qui vous a inspiré? Quels sont vos premiers souvenirs préférés?

Rushil: J’ai commencé à dessiner vers l’âge de 10 ans. Pokémon était un grand succès à cette époque et je me souviens avoir vu quelqu’un dans mon école les dessiner et j’ai soudainement voulu dessiner aussi. C’est comme ça que je me suis mis au dessin, j’ai surtout dessiné tout ce que je voyais à la télé. Plus tard, je suis devenu ami avec ce gars que j’avais vu dessiner et nous avions l’habitude d’avoir des compétitions de dessin l’un avec l’autre, ce qui est l’un de mes souvenirs préférés.

Etienne: J’ai commencé à dessiner très jeune, en copiant des bandes dessinées que j’avais à la maison. Ensuite, j’ai voulu créer mes propres histoires et bandes dessinées, ce que je ne finissais jamais car je voulais toujours en créer une autre 🙂

Ma motivation venait de ma mère qui dessinait beaucoup et me faisait dessiner très jeune. Mon inspiration est venue des nombreux livres que j’ai lus et que j’ai aimé recréer en images les univers et les scènes clés.

Pouvez-vous citer quelques artistes qui vous ont inspiré au cours de votre carrière artistique jusqu’à présent? Avez-vous rencontré l’un d’entre eux? Pouvez-vous partager vos expériences de fanboy?

Rushil: Il y a beaucoup d’artistes incroyables qui m’inspirent chaque jour, mais quelques personnes clés que je regarde toujours sont Syd Mead, Maciej Kuciara, Steve Wang, John Park et Jama Jurabaev. Je n’ai personnellement rencontré personne à part Steve Wang, à travers un cours en ligne que j’ai pris avec lui sur Learnsquared. Ce fut une expérience exaltante pour moi et aussi pour mon travail. Cela a complètement changé ma façon d’aborder le concept art. Mais le plus grand impact sur mon travail vient des personnes avec lesquelles je m’entoure; ils me poussent tous les jours et m’aident à grandir et ce sont eux-mêmes des artistes incroyables.

Etienne: La liste des artistes qui m’ont inspiré est longue et je crains très commune, mais voici quelques noms, en plus de Darek Zabrocki que j’ai mentionné plus haut: Jama Jurabaev, Steven Cormann, Raphael Lacoste, Pablo Dominguez, Pablo Carpio, Mitchell Stuart,

Wojtek Kapusta, Wojtek Fus, Sparth, Jacek Pilarski, Alex Nice, Leon Tukker, Thomas Du Crest, Arnaud Valette et bien d’autres.

J’ai eu la chance d’avoir Arnaud Valette comme mentor dans mon école. Ce sont ses cours qui m’ont permis de retrouver le style photoréaliste que je recherchais depuis un certain temps et dans lequel je m’épanouis.

 

Quel conseil aimeriez-vous donner aux jeunes artistes concepteurs concernant vos expériences?

Rushil: Il y a beaucoup de choses que nous, la jeune génération, devons rechercher, il y a beaucoup de ressources à apprendre et de nouveaux outils qui arrivent tous les jours, mais à la fin ce ne sont que des outils, et vous ne pouvez qu’obtenir une gratification instantanée. La seule chose qui vous améliorera, ce sont les notions fondamentales en art. Alors essayez toujours de revenir à ces bases de temps en temps. Les outils sont nécessaires mais à la fin, ce ne sont que des outils. J’étais également coupable de cela.

 

Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu dans votre carrière?

Rushil: «Retourne à tes racines». C’est le meilleur conseil qui soit si pertinent en ces temps où la plupart des travaux que vous voyez en ligne se ressemblent. La façon de changer cela est de regarder en vous-même, les choses qui vous intéressent, les histoires qui vous entourent en grandissant et d’essayer de faire parler ces expériences de vie uniques à travers vos pièces.

Etienne: Soyez curieux et faites ce que vous aimez, pas ce que vous pensez que les gens aimeront.

 

Quel est le défi le plus difficile que vous ayez jamais eu à surmonter avec votre art?

Etienne: Je dirais que le plus grand défi que j’ai jamais eu à surmonter avec mon art a été de quitter un emploi stable en chimie pour prendre une toute nouvelle voie dans l’art conceptuel. Pendant les deux années de mon école, j’étais sans emploi et ce n’était pas un choix facile à faire. Cependant je ne le regrette pas et grâce à ce choix je pourrai travailler dans un domaine qui me passionne.

Avez-vous une formation artistique (à la fois en classe et en ligne)? Si oui, quelles leçons importantes avez-vous retenues de ces cours?

Etienne: Oui j’ai suivi un Bachelor of Concept Art / Illustration à l’Institut Artline, 100% en ligne. Cela m’a appris à être autonome et à trouver la motivation pour travailler seul à la maison.

J’ai également pu apprendre à travailler sur des projets encadrés, avec des professionnels, afin d’être prêt à travailler à la fin de mes études.

Dans quelle direction pensez-vous que le monde du concept art se dirige? À votre avis, quels sont les nouveaux concepts / techniques qui vont devenir importants dans les prochaines années?

Rushil: L’art conceptuel se dirige vers plus d’originalité et de bonnes idées. Avec les nouveaux outils, il n’est pas trop difficile de rendre les choses réalistes. La réalité virtuelle fait déjà partie intégrante du workflow conceptuel de certains artistes. Le workflow 3D en temps réel et l’intégration de l’IA vont changer les règles de jeu dans les années à venir. Ensuite, ce qui importera le plus, c’est la créativité et les bases fondamentales.

Qu’est-ce qui vous motive à dessiner, même les jours où vous n’en avez pas envie?

Etienne: Le fait que je puisse créer des environnements visuels et des univers qui n’ont que la limite de mon imagination, et s’épanouir chaque jour dans ma passion.

Nous tenons à féliciter Rushil et Etienne pour leurs œuvres d’art exceptionnelles, et les remercions d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et de nous permettre de mieux les connaître. Nous espérons voir des œuvres d’art encore plus inspirantes de ces artistes fantastiques.

À tous les artistes qui ont participé au concours de cette année: merci de partager vos idées impressionnantes et vos œuvres d’art.

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